Le dol en droit des contrats : ce qu’il faut savoir

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Au titre de l’article 1137 alinéa 1 : « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. »

Le dol évoque donc l’idée de pratiques trompeuses, manœuvres, mensonges accomplis par un contractant pour surprendre le consentement de l’autre. On peut le définir comme des actions ou des omissions pratiquées par un contractant et destinées à faire naitre chez l’autre une erreur de nature à l’inciter à contracter. Le dol n’est pas en tant que tel un vice du consentement, ce qui vicie le consentement c’est l’erreur provoquée par les manœuvres ou les mensonges. Aussi a-t-on coutume de présenter le dol comme une erreur provoquée, il y a de la part d’une des parties une erreur. Ici l’erreur a été provoquée par des manœuvres ou des mensonges. En présence d’un dol une partie ne s’est pas trompé, on l’a trompé.

L’origine de l’erreur en présence d’un dol justifie une protection plus complète de l’errans, certaines erreurs qui ne sont pas des causes de nullité sur le fondement de l’article 1132 le sont sur le fondement de l’article 1137. La victime aura parfois la possibilité d’agir et sur le fondement du dol et sur le fondement de l’erreur, dans ce cas-là le choix lui appartient. Le plaideur agit à sa guise, il peut même agir à titre principal sur le fondement du dol et à titre subsidiaire sur le fondement de l’erreur. Cela étant dit, il est plus intéressant d’agir sur le fondement du dol.

Remarque : il y a un contrat dont l’annulation pour dol n’est pas possible, c’est le mariage. L’article 180 autorise l’annulation du mariage pour violence et erreur, on estime que tout mariage dispose d’une part d’enjolivation, de dol. Plagnol « s’il était permis d’attaquer les mariages pour de tels mécomptes, les demandes seraient probablement nombreuses et l’institution du mariage serait compromise ».

Les éléments constitutifs du dol

On présente traditionnellement le dol comme étant composé de 2 éléments : matériel et intentionnel.

L’existence de manœuvres ou plus généralement de pratiques trompeuses

Pour qu’il y ait dol il faut un acte destiné à tromper, l’ancien article 1116 parlait de manœuvres, ce qui au sens strict désigne les actes matériels positifs destinés à tromper. Une action est entreprise pour cacher la vérité.

La jurisprudence avait de longue date considérée que le mensonge bien que n’étant pas au sens strict une manœuvre puisqu’il n’y a pas de fait matériel positif, pouvait constituer un dol. Le simple fait de dire vrai ce qui est faux ou de dire faux ce qui est vrai, peut constituer un dol. C’est ce que dit l’article 1137 qui vise les manœuvres et les mensonges. La seule chose tolérée est l’exagération destinée à séduire, ce petit mensonge qui n’en est pas un et qui est fait pour plaire. Ce que les Romains appelaient le bon dol (bonus dolus). Le bon dol est celui toléré car n’est pas malicieux, est fait pour plaire et non pas tromper et souvent il repose sur une exagération si évidente que le cocontractant ne peut pas tenir pour vrai ce qui a été dit par l’auteur du bon dol.

La question qui s’est posé est de savoir si on peut considérer le silence comme étant constitutif d’un dol. Le dol est une erreur provoquée, on ne trompe personne en étant silencieux. Au mieux on exploite une erreur commise spontanément par l’autre, sanctionner sur le fondement du dol un silence, ce n’est pas reprocher à quelqu’un d’avoir trompé l’autre, c’est lui reprocher de ne pas l’avoir détrompé.

La Cour de cassation a admis que le silence puisse caractériser un dol, seulement à la moitié du 20ème siècle dans un arrêt du 15 janvier 1971. L’ordonnance de 2016 a consacré cet acquis jurisprudentiel sous la forme d’un alinéa 2 de l’article 1137 : « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».

Aujourd’hui la question n’est plus de savoir si une omission, un silence peut être constitutif d’un dol. C’est de savoir quand il y a dol : à partir du moment où une information importante est cachée, il y a dol. Le fait de sanctionner un silence est implicitement mais nécessairement lui dire qu’il fallait communiquer cette information, sanctionner le silence par le dol c’est révéler une obligation d’information. Article 1112-1 : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. ».

Pendant longtemps, il a existé une confusion de l’obligation d’information et du dol par réticence. Le projet d’ordonnance confirmait l’existence de ce lien entre l’obligation d’information et la réticence puisqu’il définissait le dol par réticence comme le fait de ne pas avoir volontairement satisfait à une obligation d’information. Dans l’ordonnance de 2016, ce lien a disparu, l’article 1137 définit le dol par réticence sans référence à l’obligation d’information. Cela est intéressant car signifie que l’on peut sanctionner sur le fondement du dol le comportement consistant à être resté silencieux dans un cas où il n’existe pourtant pas d’obligation d’information au sens de l’article 1112-1. L’obligation d’information sanctionnée sur le fondement de la réticence dolosive ne correspond pas nécessairement dans son domaine à l’obligation d’information prévu par l’article 1112-1, les 2 choses sont séparées.

L’auteur des actes trompeurs

L’ancien article 1116 ne sanctionnait le dol que lorsque les manœuvres émanaient d’un contractant. On disait que le dol du tiers n’était pas une cause de nullité des contrats. Cette solution a été assouplie pour les actes unilatéraux : la liberté puisse être annulée pour dol même lorsque les manœuvres ou le silence n’émane pas du gratifié.

On a envisagé en 2016, l’annulation d’un contrat pour dol d’un tiers. Mais les textes ne vont finalement pas si loin, le nouvel article 1137 dispose que le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte fort du contractant. Alinéa 2 : « il est l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence ». En droit, un représentant est une personne habilitée par la loi, par contrat ou par le juge à agir à la place d’une autre (les parents sont les représentants légaux de leurs enfants). Un préposé est un salarié, porte fort = celui qui promet de recueillir le consentement d’autrui, quelqu’un qui se permet d’agir à la place d’autrui sans avoir reçu d’obligation, se porte garant de l’accord d’autrui. L’article 1138 n’autorise pas du tout l’annulation d’un contrat pour le dol d’un tiers. L’auteur matériel du dol agit pour un contractant, il est donc assez naturel que le contrat puisse être annulé quand bien même les manœuvres n’émaneraient pas directement du contractant.

L’élément intentionnel du dol : l’intention de tromper

Cette intention de tromper est déjà implicitement contenue dans les expressions : manœuvres, mensonge. Elle est confirmée à l’article 1137 alinéa 2 : « dissimulation intentionnelle ». Le fait d’avoir induit son contractant en erreur ne constitue un dol que si on a cherché à tromper. Il est difficile de prouver que tel acte a été accompli dans le dessein de tromper. La jurisprudence ne peut pas faire autre chose qu’exiger de la prétendue victime qu’elle prouve les éléments constitutifs du dol, qu’elle prouve le caractère intentionnel des actes ou du silence, c’est donc bien en principe à la victime du dol de prouver l’intention de tromper, mais on constate que la preuve se déduit le plus souvent des faits. Que l’intention de tromper est impliquée par la nature des faits commis ou par les circonstances, on dit parfois que les faits parlent d’eux-mêmes. Pour le silence, dans certains cas la preuve de l’intention de tromper est suffisamment rapportée par le fait que le cocontractant connaissait le caractère déterminant de l’information et est néanmoins resté silencieux.

L’erreur provoquée par le dol

Le dol n’est sanctionné pas en tant que dol, mais parce-qu’il vicie le consentement. Toute erreur est prise en compte, aussi bien les erreurs sur les qualités essentielles, que l’erreur sur la valeur ou l’erreur sur les motifs. La seule exigence est que l’erreur provoquée par le dol ait été déterminante du consentement, elle n’a même pas besoin d’être excusable. Même une erreur qui aurait dû sauter aux yeux, justifie l’annulation. Cela est consigné à l’article 1139 : « l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».

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Exemple : achat d’une chaise chez un brocanteur, sur la foi d’une étiquette collée dessous, on croit qu’elle a été fabriquée par un designer renommé. On découvre que l’étiquette est fausse, peut-on annuler le contrat ? et si oui, sur quel fondement ?

On se fonde sur les articles 1132 et 1137, la manœuvre est bien intentionnelle. On peut agir sur le fondement du dol mais aussi sur celui de l’erreur.

Il existe la difficulté de savoir si l’on peut sanctionner sur le fondement du dol, le fait pour une partie d’avoir gardé le silence sur la valeur réelle de la prestation de l’autre partie. L’hypothèse typique est celle d’une personne qui achète un bien d’une grande valeur dans un vide grenier, peut-on reprocher à l’acheteur qui sait que le bien vaut cher mais qui constate qu’il est vendu pas cher, d’avoir tut l’information qu’il connaissait quant à la valeur de l’objet ?

On aboutirait à empêcher toute bonne affaire, le déséquilibre des prestations n’est pas une cause de nullité. Cette question a été tranché dans l’arrêt Baldus du 3 mai 2000. La vente est conclue pour un prix inférieur à la valeur du bien, la Cour de cassation affirme que l’acquéreur même professionnel n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis.

La jurisprudence Baldus ne concerne que la réticence dolosive, si des manœuvres sont accomplies ou des mensonges sont proférés, la solution ne vaut plus. Il peut exister une obligation d’information sur la valeur lorsqu’existe entre les parties, une obligation particulière de loyauté allant au-delà de ce qui est normalement requis entre parties contractant. C’est le cas des rapports entre un dirigeant social (d’une société) et les associés.

L’ordonnance de 2016 laisse penser que la possibilité de sanctionner sur le fondement du dol le silence gardé sur la valeur de la prestation n’était pas clairement démenti. L’article 1139 indique que « l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable, elle est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ». Cette confirmation est venue du législateur, qui dans la loi du 20 avril 2018 a ajouté un nouvel alinéa à l’article 1137, néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

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