Le droit de propriété est régi par les articles 544 à 577 du Code civil dont les dispositions seront présentées en trois temps : L’acquisition, le contenu et la perte du droit de propriété.
L’acquisition du droit de propriété
Le Code civil retient une méthode très large de l’acquisition du droit de propriété. Dans le Livre III, il est écrit « les différentes manières d’acquérir la propriété ». Les subdivisions nous renvoient aux contrats, au régime général des obligations, au mariage, au louage, au prêt, à la fiducie etc. C’est une vision large des méthodes d’acquisitions alors que tout ne concerne pas la propriété. Il y a deux modes d’acquisition de la propriété : L’acquisition par convention prévue à l’article 711 du Code civil et l’acquisition par prescription prévue à l’article 712 du Code civil.
L’acquisition par convention
L’article 711 du code civil prévoit que « La propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaires, et par l’effet des obligations. »
S’agissant de l’acquisition par convention, on distingue les modes originaires et les modes dérivés d’acquisition. Les modes originaires, appelés aussi primaires, sont ceux par lesquels, on acquiert la propriété de chose qui auparavant n’appartenait à personne. Exemple : Un caillou que l’on ramasse. Les modes dérivés sont ceux par lesquels nous acquérons la propriété d’une chose qui appartenait auparavant à une autre personne.
Deux grands principes régissent l’acquisition par convention : Le principe de liberté et le principe d’immédiateté du transfert.
Le principe de liberté : Par convention, on est libre de transférer la propriété. Ce principe est double, on a d’abord le fond de la convention, c’est ce qu’on appelle le principe de liberté contractuelle. Ce principe saisit ensuite la forme, le principe du consensualisme. Ce sont les deux déclinaisons du principe de liberté dans le contrat.
Le fond régit par le principe de liberté contractuelle signifie qu’on est libre de n’importe quoi (fixer le prix etc.) mais on est libre dans la limite de ce qui est dans le commerce (on ne peut pas faire une convention contraire aux bonnes mœurs).
Le consensualisme est la rencontre de deux consentements, un échange de volonté. Pour acquérir la propriété, tout transfert de propriété n’a pas besoin d’être publié. Il existe cependant une exception : La donation, article 931 du Code civil qui dispose que « tout actes portant donation entre vifs seront passé devant notaire dans la formation ordinaire des contrats ; il en restera minute (copie) sous peine de nullité. ». En cas de donation, il faut le présenter devant un notaire. La jurisprudence a cependant ajouté que les donations de la vie courantes n’ont pas besoin d’être présentée devant un notaire, ce sont des donations manuelles.
Le principe d’immédiateté du transfert : Le transfert de propriété, à l’exception des contrats solennels (Exemple : contrat de mariage) et réels (Exemple : contrat de prêt), opère solo consensu. Cela signifie qu’il ne s’opère qu’à seule vue du consentement. Par le seul effet de l’échange des consentements, la chose est acquise au cessionnaire. Par le passé, il fallait des formalités pour le transfert de propriété.
En droit romain, deux opérations juridiques étaient requises : la mancipatio et la traditio. La mancipatio établissait le transfert de propriété entre les parties La traditio établissait la remise de la chose et rendait le transfert de propriété opposable à tous. Les traditions se transmettent d’une génération à une autre, on est dans la tradition de l’époque romaine.
Tout cela est abandonné par le Code civil car trop compliqué et ce dernier consacre à l’article 1196 que « dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété ou la cession d’un autre droit, le transfert s’opère lors de la conclusion du contrat. »
Le transfert s’opère dès la conclusion du contrat. C’est le transfert de propriété par le seul effet des consentements (solo consensu). L’alinéa 2 dispose que « ce transfert peut être différé par la volonté des parties, la nature des choses ou par l’effet de la loi. »
La règle est la même en matière de donation. L’article 938 du Code civil dispose que « la donation dûment accepté sera parfaite par le seul consentement des parties ; et la propriété des objets donnés sera transférée au donataire sans qu’il soit besoin d’autre tradition. » Dès que la donation est parfaite, elle s’exécute immédiatement.
Concernant le transfert de propriété en matière immobilière, il faut aller devant un notaire. Cela exige une publicité foncière ce qui veut dire que la formalité de publicité foncière est une formalité d’opposabilité pour que les tiers soit au courant. La formalité de publication est une formalité d’opposabilité, elle ne conditionne pas le transfert de propriété. (Décret du 4 janvier 1955).
L’acquisition d’un bien par prescription
C’est le deuxième grand mode d’acquisition de la propriété. Il faut faire deux observations :
La prescription c’est un mode d’acquisition ou d’extinction d’un droit par l’effet du temps. La prescription est aussi un mode d’acquisition par l’effet du temps. Par l’écoulement du temps, on devient propriétaire d’un bien. La prescription peut aussi nous faire perdre un droit.
Il y a la prescription acquisitive et la prescription extinctive. On peut prescrire pour acquérir ou pour éteindre.
Pour pouvoir prescrire nous dit l’article 2261 du Code civil : « il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ». Ce sont les conditions générales que l’on doit remplir pour être possesseur.
Une possession à titre personnel
Ce critère a été déduit par opposition à un élément qui figurait sur un autre texte : « ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit ». Cela veut donc dire que pour devenir propriétaire par la possession il faut posséder pour soi-même. C’est la raison pour laquelle le locataire, le dépositaire et l’usufruitier ne peuvent jamais être considérés comme des possesseurs. En revanche, la jurisprudence a considéré que l’indivisaire peut être possesseur parce qu’il n’agit pas pour autrui.
Une possession continue, non interrompue
Cela veut dire qu’il va falloir démontrer que dans le temps et sans interruption, la personne détient le bien. Les juges recherchent d’abord la plupart du temps des éléments matériels de possession et la jurisprudence nous dit que le seul paiement des impôts fonciers ne suffit pas. On ne doit pas posséder à titre illicite. La possession ne doit pas reposer sur des actes illicites ou irréguliers.
On dit que la jouissance doit être exercée comme un propriétaire. On parle de jouissance exercée animo domini. La jurisprudence privilégie souvent l’élément intentionnel pour caractériser la possession continue et interrompue.
La possession paisible
La possession est paisible lorsqu’elle est exempte de violences matérielles ou morales dans son appréhension et durant son cours. Cela a été affirmée par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation le 30 avril 1969. Possession paisible ne veut pas forcément dire possession de bonne foi. La mauvaise foi est possible, cela n’enlève pas le caractère paisible. Exemple : Acheter un bien en sachant qu’il a appartient à quelqu’un d’autre.
La possession ne doit pas être entachée du vice de clandestinité qui existe lorsque le possesseur dissimule les actes matériels de possession aux personnes qui auraient intérêts à en avoir connaissance.
Une possession sans équivoque
La possession serait équivoque si les actes du possesseur ne révèlent pas son intention de se conduire en propriétaire. Le caractère équivoque sera caractérisé dès lors qu’il existe un doute dans l’esprit des tiers.
La possession des immeubles
Nous sommes dans l’hypothèse dans laquelle les critères de possession sont tous remplies et où l’hypothèse se base sur un bien immeuble. Dans cette hypothèse on va pouvoir faire jouer la prescription immobilière. Cela s’appelle l’usucapion.
La possession durable pour l’usucapion
Ce critère est prévu par l’article 2272 du Code civil. Ce texte nous dit deux choses : Alinéa 1 : « Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans » Alinéa 2 : « Toutefois celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans ».
L’hypothèse est que l’on possède le bien de mauvaise foi. Le point de départ du délai de 30 ans c’est celui de l’entrée en possession du possesseur ou de son auteur. L’auteur est celui qui transmet un droit. L’auteur par exemple c’est le défunt (le défunt a transmis un droit à ses héritiers). Cela est prévu par l’article 2265 du Code civil.
La jonction de possession c’est lorsqu’on additionne les possessions. Exemple : Mes parents sont possesseurs d’une maison depuis 27 ans. Je suis propriétaire au bout de 3 ans par jonction de possession.
La possession ne doit pas être interrompue. L’interruption en droit se distingue de la suspension en ce qu’elle remet le délai à zéro tandis que la suspension suspend. Le délai de 30 ans ne doit donc pas être interrompu. 1ère hypothèse : L’interruption naturelle (prévue par l’article 2271 du Code civil) : Elle se réalise lorsque le possesseur est privé pendant plus d’un an de ce bien soit par le propriétaire lui-même soit par un tiers.
2ème hypothèse : L’interruption civile : on n’est plus dépossédé. Il va se produire un évènement juridique qui va venir gêner votre possession :
– 1er cas : article 2240 du Code civil : c’est l’hypothèse où le possesseur reconnaît le droit du véritable propriétaire.
– 2ème cas : articles 2241 à 2243 et 2245 à 2246 du Code civil : Ces articles visent l’hypothèse d’une demande en justice. La demande en justice même en référé, même devant le mauvais juge, interrompt la possession.
– 3ème cas : article 2244 : C’est l’hypothèse d’une mesure conservatoire. Une mesure conservatoire c’est une mesure que l’on va prendre sur le bien pour sécuriser un droit futur.
Si l’un de ces trois cas ne se produit pas, le délai de trente ans va pouvoir courir.
L’usucapion abrégé
La possession peut être de mauvaise foi soit parce qu’il a acquis un bien dont le vendeur n’était pas propriétaire et il le savait soit parce qu’il a durablement occupé le bien sans titre de propriété. Il existe une seconde hypothèse, celle ou justement le bien a été acquis de bonne foi. Acquérir de bonne foi c’est acquérir le bien en vertu d’un titre translatif de propriété mais consentie par une personne dépourvue du droit de propriété. Cette hypothèse est visée à l’article 2272 du Code civil, alinéa 2.
Dans ce cas-là il y a deux conditions qu’il faut remplir pour acquérir le bien au bout de dix ans : il faut un juste titre et la bonne foi du possesseur. Les conditions de l’usucapion abrégée s’ajoutent aux conditions générales de la possession.
Le juste titre selon la jurisprudence c’est un titre qui considéré en soi serait de nature à transférer la propriété au possesseur et qui suppose un « transfert de propriété » consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire. Ce titre doit avoir une date certaine et ne doit pas comporter de fausse signature. Exemple : un contrat de vente qui est consentie par quelqu’un qui n’est pas propriétaire
La bonne foi du possesseur consiste en sa croyance au moment de l’acquisition de tenir la chose du véritable propriétaire. L’article 550 du Code civil définit le possesseur de bonne foi : « le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices ». La bonne foi s’apprécie au moment de l’acquisition. Cela veut dire que si le possesseur ultérieurement apprend qu’il ne tient pas son bien du propriétaire, le texte s’applique tout de même.
Conclusion :
L’usucapion est susceptible de s’appliquer dans deux situations : lorsqu’un bien est acquis à une personne qui n’est pas juridiquement le propriétaire (soit de bonne foi/soit de mauvaise foi) & lorsqu’un bien est occupé sans titre.
La CEDH a répondu le 15 novembre 2005 que l’usucapion tel qu’il est prévu et régit par la loi française est conforme aux exigences de la CESDH parce qu’il préserve « un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et le droit au respect des biens »
L’intérêt général exige l’usucapion car sinon on aurait des biens vides.
Les effets de l’usucapion
L’article 2258 du Code civil prévoit que « la prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui la lègue soit obliger d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ».
L’usucapion ne produit pas des effets de plein droit. Elle doit être demandée en justice par le possesseur (Code civil, article 2247). La Cour de cassation dans un arrêt de la 3ème chambre civile du 10 juillet 2016 a dit que l’usucapion porte acquisition rétroactive du bien possédé.
La possession des meubles
Par meuble on dit souvent res mobilis res vilis « les choses meubles sont des choses viles ». Il existe deux façons d’acquérir par prescription : La possession et l’occupation.
Cela est prévu à l’article 2276 du Code civil : « En fait de meubles, la possession vaut titre ».
Cela veut dire que si l’on remplit toutes les conditions de la possession (voir cours précédent), on devient propriétaire du bien meuble. « Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ». Certains parlent d’un mode d’acquisition spontané d’un meuble appartenant à autrui.
C’est un texte qui ne s’applique qu’aux seuls biens meubles corporels (ceux qu’on peut toucher). Toutefois s’agissant des actions de société, on considère que ce sont des biens meubles corporels. Tous les titres financiers sont par principe exclus de l’article 2276 mais il existe un autre texte l’article L211-16 du Code monétaire et financier qui a reproduit l’article 2276 pour les titres financiers. Ainsi même si les titres financiers n’étaient pas concernés par l’article 2276 ils sont soumis à la même règle qui a été reprise par l’article L211-16.
C’est un texte qui a pour vocation à jouer dans 99% des cas, en cas d’acquisition a non domino (quand quelqu’un nous a vendu quelque chose dont il n’était pas propriétaire). Cela veut dire que le véritable propriétaire perdra tout droit sur son bien.
Il y a cependant 5 armes pour combattre ce texte :
– L’alinéa 2 : c’est démontrer que c’est un bien que l’on a perdu ou qu’on nous avait voler. Autrement dit on joue avec le texte.
– Démontrer que les critères de la possession ne sont pas remplis
– Démontrer que le possesseur est de mauvaise foi
– Démontrer la nullité du contrat translatif de propriété
– Démontrer que le contrat en vertu duquel l’acquéreur est devenu possesseur du bien n’est pas un véritable contrat translatif de propriété.
Les critères d’application du texte :
– Il faut une possession effective. Cela signifie qu’il faut remplir les critères de l’article 2261 du code civil.
– Il faut une possession de bonne foi. Ce n’est pas une exigence prévue par les textes mais c’est une exigence prétorienne (jurisprudentielle). Cette bonne foi se vérifie au moment de l’acquisition du bien et suppose la croyance au moment de cette acquisition de tenir la chose du véritable propriétaire. L’article 550 définit la bonne foi. La chambre commerciale de la CC dans un arrêt du 15 décembre 2015, a confirmé que lorsque le possesseur est de mauvaise foi, le véritable propriétaire est fondé à lui demander la restitution du bien. Il demeure néanmoins à son profit une action de dédommagements contre le vendeur.
L’occupation
L’occupation est un mode qu’il ne faut pas confondre avec la possession et qui ne concerne que les biens meubles. L’occupation c’est la possession d’un bien qui a été abandonnée et qui n’appartenait donc à personne. L’occupation ne peut jouer qu’en l’absence de propriétaire. L’occupation au sens juridique consiste à s’emparer d’une chose qui n’appartient à personne et à se l’approprier. Ce n’est pas possible pour les biens immeubles.
La source de ce droit n’est pas la possession car la possession suppose que la chose soit appropriée par ailleurs.
C’est un mode d’acquisition qui peut porter sur des meubles qui ont été abandonnées. Cela peut être le cas des trésors (article 716 du code civil). Ce texte nous dit que la propriété d’un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds. Si le trésor est trouvé dans le fond d’autrui il appartient pour moitié à celui qui l’as découvert et pour moitié au propriétaire du fonds. « Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété et qui est découvert par le pur effet du hasard ».
Cela peut être le cas des objets trouvés sur la voie publique. Il est souvent admis dans les règlements administratifs que l’on devient propriétaire de cet objet au bout d’un an et d’un jour. On appelle celui qui trouve cet objet, l’inventeur.
Enfin, les objets abandonnés qui sont ceux dont le propriétaire a volontairement délaissé la propriété. Il n’y a pas de régime particulier, on les trouve et on devient particulier.
Bonjour,
Si je découvre par hasard des objets en or (lingots ou pièces) cachés dans de le fond d’un meuble qui avait été jeté aux encombrants et que j’ai ramassé dans la rue il y a plusieurs années, s’agit-il légalement d’un trésor et puis-je en réclamer la propriété ?
Merci d’avance pour votre réponse,
Mr Goupil
Bonjour, On devient propriétaire au bout d’un an et un jour mais n’y-a-t-il pas obligation de déclarer cet objet auprès de l’administration pour ouvrir ce délai ? Ce serait trop simple de s’octroyer ce droit en détenant cet objet « en toute discrétion ».
Une précision également pour les chiens et les chats : selon le code rural ils doivent être dirigés vers la fourrière dont dépend la commune avant d’être confiés à une association après un délai de 8 jours ouvrés pour être mis à l’adoption. Il est donc illégal de s’approprier ces animaux qu’ils soient trouvés sur un lieu public ou sur un lieu privé.